Archives de catégorie : Le temps

L’enfant et la rivière

L'enfant et la rivière d'Henri Bosco
L’enfant et la rivière

Un déménagement est l’occasion de retrouver des trésors oubliés. C’est ce qui vient de m’arriver à l’occasion de mon emménagement à Rueil. J’ai redécouvert un livre lu il y a plus de 25 ans, quand j’étais en 6ème : l’enfant et la rivière, d’Henri Bosco.

J’en avais gardé un souvenir mitigé : un vocabulaire des bêtes et des plantes de la campagne difficile à comprendre pour le petit urbain que j’étais, une certaine lenteur, des descriptions…Toutes choses en rendant l’appréhension difficile. D’une certaine façon, le livre me paraissait ennuyeux. Et pourtant… J’avais gardé aussi l’impression diffuse d’une poésie, d’une chaleur, qui fait que dans cet ennui j’avais rencontré du plaisir.

Vingt-cinq ans après, à la relecture, l’ennui a disparu. Je suis sans doute plus patient. Je redécouvre la poésie et la candeur, avec d’autant plus de plaisir que de l’eau a passé sous les ponts, c’est le cas de le dire. J’ai vu, j’ai senti, j’ai pensé, des choses bien moins candides en l’espace d’un quart de siècle. Et maintenant, en ce 21ème siècle hyper technologique, ultra citadin, cela fait du bien de retrouver une écriture qui prend son temps, qui donne toute sa place à la nature, aux relations humaines simples.

Je n’ai pas relu l’enfant et la rivière, j’ai redécouvert une réalité de moi-même que j’avais oubliée. Et cela fait du bien.

Bien nourrir les maîtres

Robot majordomeHier soir, j’ai téléchargé un film sur une plate-forme légale : 5 euros la location d’un long métrage de 90 minutes. Tout s’est fait automatiquement : la navigation dans le catalogue de films, l’achat (la plate-forme a stocké mon numéro de CB dans sa base), le téléchargement sur la tablette…

Sur ces 5 euros, je sais que la plate-forme va encaisser 30%. 1 euro 67 pour un processus sans la moindre intervention humaine.

Pas étonnant qu’Apple (puisque c’est de cette plate-forme qu’il s’agit) soit aujourd’hui la première capitalisation boursière au monde. Ils ont su exploiter un modèle économique hors pair.

Quant à moi, je vais pouvoir consommer mon divertissement en conserve (qu’est-ce d’autre qu’un film ?) et m’endormir repus de cette alimentation culturelle consommée par des millions d’autres que moi. Nous ne mangeons pas encore tous du même bœuf cloné à l’infini mais les biens culturels numériques, eux, permettent ce miracle. Continuer la lecture de Bien nourrir les maîtres

La technologie ou les hommes ?

"This was not called retirement..." (Blade Runner)
“This was not called retirement…” (Blade Runner)

La lecture du billet “Faut-il interdire les caisses automatiques des supermarchés ?” sur le blog de mon ami Laurent Pinsolle me donne l’occasion d’exposer sur ce blog des réflexions que j’avais en tête depuis un moment.

Laurent explique que le remplacement des caissières par des caisses automatiques détruit des emplois et que l’État devrait intervenir pour l’interdire ou le limiter.  Je ne développerai pas dans ce billet l’aspect politique du sujet mais m’intéresserai plutôt à la manière dont nous nous servons de la technologie.

Pour commencer, remarquons que si le progrès technique fait rêver et avancer l’humanité, son interdiction est aussi un fantasme récurrent, s’illustrant dans de multiples réalisations artistiques. Elle est le thème, par exemple, du roman de Barjavel Ravage. Dans ce roman, nous rappelle G.M. Loup sur Barjaweb, “l’innovation est interdite, et lorsqu’il viendra à l’un des habitants observant l’effet de la vapeur sur une marmite l’idée de se servir de la force de la vapeur, celui-ci poussé par la seule curiosité et l’innocente et même généreuse intention de soulager la peine de ses frères deviendra un criminel, qu’il faudra exécuter.” Pour prendre un deuxième exemple, dans Blade Runner, les “répliquants”, êtres manufacturés à l’apparence humaine, sont interdits de séjour sur Terre.

Ce rapport d’attraction-répulsion à l’égard de la technologie est toujours à l’œuvre aujourd’hui. Côté attraction, les hommes sont fascinés par les possibilités que la technologie offre de réaliser le projet cartésien de “nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature”. Côté répulsion, on peut se demander si nous ne sommes pas possédés nous-mêmes par la technologie.

La question de la possession est bien au cœur du sujet. Qui décide des grands chantiers technologiques ? Ce sont les plus puissants, et la puissance que l’on a sur les autres est largement liée, dans ce monde, à ce que l’on possède, que l’on soit un Etat ou un industriel. C’est donc sur les usages que font les puissants de la technologie qu’il faut s’arrêter.

Plusieurs options s’offrent à eux : utiliser la technologie pour permettre des choses qui étaient auparavant impossibles, et donc élargir l’horizon de l’humanité. C’est la technologie qui permet l’exploration de Mars, le traitement de maladies graves, l’exploration de torrents de données en une fraction de seconde, etc. Mais ils peuvent aussi utiliser la technologie pour augmenter leur richesse ou leur pouvoir, quitte à le faire au détriment du reste de la population. C’est ce qui se passe lorsque l’on remplace des caissières par des machines automatiques ; c’est aussi ce qui arrive lorsque l’on automatise une ligne de métro pour régler le problème des grèves en supprimant les grévistes potentiels. Paradoxalement, cette expression du pouvoir (technologique, financier) est aussi un aveu d’échec : faute de pouvoir régler un problème social récurrent, on cherche à apporter une réponse technique à un problème humain.

L’omniprésence de la technologie, qui peut prendre la forme du remplacement de la main d’oeuvre salariée par des machines, n’est donc que le reflet des aspirations de certains acteurs dominants de notre société. La solution de fond ne me semble donc pas de bannir telle ou telle technologie mais plutôt de travailler sur les cœurs, les motivations, la vision de la vie de nos contemporains. Cela passe par un rétablissement du dialogue entre les gens, par la remise au premier plan des valeurs humaines, par de l’organisation, du management… Toutes choses qui ne sont pas parfaitement maîtrisables, contrairement à des schémas techniques.

L’autre élection

Les médias français sont tout occupés à commenter la victoire de François Hollande aux Présidentielles, et c’est bien naturel. Mais après avoir baigné pendant des mois dans un climat de campagne, et juste avant de nous replonger avec délices dans une autre campagne, celle des Législatives, il peut être bon de sortir le nez de l’Hexagone. Si l’on doit se réjouir de la vitalité démocratique, force est de constater que chez nos voisins grecs, l’expression populaire dans les urnes embarque le pays dans une voie bien périlleuse.

C’est ainsi que le parti d’extrême-gauche Syriza a devancé, aux élections d’hier, le Pasok (équivalent du parti socialiste) pour devenir la deuxième force politique du pays. Au total, d’après les dernières estimations, Syriza, KKE (parti communiste) et la Gauche démocratique (parti dissident de Syriza) totalisent 31,15% des voix ! Pour compléter le tableau, ajoutons que le parti néo-nazi Aube Dorée a obtenu 7% des voix et a fait son entrée au Parlement.

Autrement dit, les partis d’extrême gauche et d’extrême droite (et d’une extrême-droite radicale, c’est le moins que l’on puisse dire), ont recueilli près de 40% des suffrages.

Autant dire que la crise grecque ne paraît pas près de finir. Dans ce contexte international, notre nouveau président aura fort à faire…

Google, Facebook, Twitter : sale temps pour la vie privée

 

Google, Facebook, Twitter
Google, Facebook, Twitter

“Google a annoncé que ses règles de confidentialité allaient être modifiées pour regrouper toutes les informations laissées par chaque utilisateur sur les différents services offerts par le géant américain.”

“Dans les prochaines semaines, tous les utilisateurs seront contraints de passer au profil remanié… Vous n’aimez pas la Timeline? Tant pis pour vous. Mardi, Facebook a annoncé qu’ ‘au cours des prochaines semaines, tout le monde passera’ à la nouvelle version des profils”

“Dans un post sur son blog officiel, Twitter a annoncé qu’il allait mettre en place un système de censure des tweets.”

Des solutions techniques aux questions humaines ?

Le technophile que je suis est toujours frappé de constater la tentation qu’il y a de chercher des solutions techniques aux questions humaines.

Trop de temps d’attente dans les centres d’appels ? Qu’à cela ne tienne, développons les SVI, Serveurs Vocaux Interactifs, robots butés qui vous demandent de composer des combinaisons de touches avant de vous délivrer des informations au compte-gouttes.

Trop de grèves dans le métro ? Automatisons les lignes, comme la RATP est en train de le faire sur la ligne 1 à Paris.

Difficultés à rencontrer l’âme soeur ? Inventons la DAO, Drague Assistée par Ordinateur, dans les salons de chat et autres sites de rencontre.

C’est plus long et difficile d’apporter des réponses humaines aux questions humaines. On pourrait imaginer :

  • de réinventer une relation client avec des gens au bout du fil ou (soyons fous) des vendeurs dans des boutiques
  • de mettre l’accent sur un dialogue social responsable, tant du côté des Directions que des syndicats
  • de réinventer les relations hommes – femmes, forts de la double expérience de la tradition et de la libération des moeurs
  • Qu’en pensez-vous ? Trop low-tech ?

    Y a t-il un progrès en amour ?

    Le paradoxe amoureux
    Le paradoxe amoureux

    Dans son essai, Le paradoxe amoureux, Pascal Bruckner dresse un panorama des péripéties de l’amour, dans le quotidien de nos vies et dans l’Histoire. L’une des thèses qui traverse le livre est qu’ « il n’y a pas de progrès en amour ». Mais est-ce si sûr ? Tout progrès est-il réellement hors de portée en amour, que ce soit dans notre vie quotidienne ou dans l’Histoire ?

    L’amour des années 1970 à nos jours : révolution ou statu quo ?

    L’auteur commence par évoquer ses souvenirs des années 1970, marquées par la libération des mœurs et le thème de l’ « amour libre ». Il s’agissait de faire sauter en éclat les anciens carcans, hérités d’une conception à la fois matrimoniale et patrimoniale de l’amour. Dans cette conception, le lieu de l’amour devait être le couple marié, même si cette position de principe était davantage animée par un souci de préservation d’intérêts financiers que par la flamme unissant deux êtres.

    L’amour libre devait débarrasser l’humanité de cette hypocrisie, en remettant au cœur des relations le sentiment et le corps.

    Quelques années plus tard, pourtant, on a retrouvé nombre des hérauts de cette nouvelle vision confortablement installés dans le mariage, se retournant à peine avec nostalgie sur leur jeunesse réformatrice.

    Le couple, l’institution du mariage, l’importance de la fidélité, l’attachement à la famille n’ont pas été emportés par le tourbillon de l’Histoire. On les retrouve, plus vivaces que jamais, en ce début de vingt-et-unième siècle.

    Est-ce à dire que tout est redevenu comme avant ? Loin s’en faut. La vie commune avant le mariage, le divorce, les naissances hors mariage, l’union libre, le PACS, se sont durablement ancrés dans les pratiques et dans les mœurs.

    Si le couple, le mariage, la fidélité et la famille sont toujours aussi importants, le contenu de ces mots a changé. C’est le sentiment d’amour qui, seul, aujourd’hui, les justifie et leur donne de la valeur.

    C’est ainsi que notre génération assemble de manière inédite des briques issues de la tradition et de nouvelles expressions sociales de l’amour, dans une recherche d’authenticité. Le couple, la famille, sont acceptés et même recherchés à condition d’être suffisamment souples pour s’adapter au temps qui passe, se réinventer, nourrir la vie au lieu de la figer.

    Les relations amoureuses d’aujourd’hui ne sont pas de longs fleuves tranquilles. Elles sont faites d’attachement, de tendresse, de sexualité, de fidélité, d’infidélité, de ruptures temporaires ou définitives, de conflits.

    La révolution des mœurs des années 1970 n’a pas tout bouleversé ; elle n’a pas non plus été un échec. Elle a ajouté une couche de complexité supplémentaire. Elle a libéré l’amour de ces anciennes entraves tout en mettant en lumière de nouveaux problèmes. « La liberté n’allège pas, elle alourdit », écrit Pascal Bruckner.

    Peut-on dire pour autant qu’il n’y a pas eu de progrès en amour ? Accordons-nous pour dire que le progrès est une amélioration, un changement en bien. Dire qu’il n’y a pas eu de progrès n’est vrai que si l’on assimile le bien au bien-être. Il n’est pas sûr que l’amour d’aujourd’hui soit plus heureux que celui de 1960. Mais il a assurément conquis des degrés de liberté, et c’est là un réel progrès.
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    Jeux d’enfants : l’arme secrète

    Lors d’une promenade au parc avec mon fils, j’ai discuté avec un groupe d’enfants qui jouait là, avec un ballon. Je les ai questionné sur leur jeu, me demandant s’il s’agissait d’une nouvelle version de la balle au prisonnier. Comme j’ai quitté l’enfance depuis un moment déjà, et que d’un autre côté mon bébé sera bientôt un petit garçon qui jouera avec les autres, je suis curieux de savoir à quoi jouent les enfants d’aujourd’hui.

    Une petite fille de 7 ans, à vue de nez, a pris la parole, c’était manifestement le chef du groupe.

    “Nous jouons à l’arme secrète
    – En quoi consiste ce jeu ?
    – Il consiste à regarder les gens dans le parc et à essayer de deviner leur problème. Vous connaissez Secret Story ?
    – Oui.
    – Ben c’est la même chose. Tenez le Monsieur, là-bas, assis sur un banc. Il boude. Ben peut-être que son problème, c’est qu’il n’a pas d’enfant.
    – C’est intéressant, mais pour savoir qui a gagné, comment pouvez-vous être sûr d’avoir trouvé le véritable problème des gens ?
    – Ben, grâce à l’imagination, voyons. Nous avons quelque chose de vivant, là-haut dans le cerveau, il faut s’en servir.”

    Cette conversation m’a montré plusieurs choses. La télévision a un impact sur les jeux des enfants, ce n’est pas nouveau, mais Secret Story est-elle une émission à regarder par de petits enfants ? J’ai été étonné aussi de voir que ces enfants, en voyant des individus assis dans un parc, pouvaient avoir l’intuition que chacun a une histoire, même s’il n’en laisse rien paraître. Et ces “larmes secrètes” de chacun les intéresse.

    Mais au final, au-delà des armes et des larmes, le dernier mot revient à ce que nous avons là-haut, et dont nous devons apprendre à nous servir : l’imagination.

    De la mort d’une Levalloisienne au Caire aux caméras de surveillance à Paris

    Le rapport, me direz-vous, entre le décès tragique d’une jeune fille de 17 ans au Caire et le plan visant à installer 1000 caméras de surveillance supplémentaire à Paris d’ici 2011 ?

    Très simple : la violence des attentats, qui paraissait lointaine, prend une nouvelle acuité pour vous lorsque vous apprenez que quelqu’un, dans votre ville, a été touché. La prise de conscience se fait plus forte que la planète est petite et que la violence et la souffrance des uns peuvent vite devenir la souffrance des autres.

    Alors pour lutter contre l’insécurité et les menaces terroristes, la mairie de Paris soutient le plan d’installation de caméras de télésurveillance, dans l’indifférence quasi générale. Mais jusqu’où sommes-nous prêts à laisser s’installer des atteintes possibles à notre liberté (atteintes possibles, pas avérées néanmoins) pour garantir notre sécurité ?

    Il y a bien des collectifs qui se constituent pour dénoncer ce plan. Mais d’un autre côté, ces opposants, que proposent-ils pour assurer notre sécurité ?

    Comment extirper les racines de la violence, seul moyen que nous ayons de pouvoir continuer à vivre en paix ?

    Un cas où PowerPoint fait vraiment gagner du temps…eh oui !

    Lose time with PowerPoint
    Photo by Sonja Langford on Unsplash

    J’ai fait ce matin l’expérience de reprendre ma trousse d’écolier pour créer la maquette d’une page d’accueil de site Internet. Nous avons un graphiste qui peut mettre en forme proprement et joliment à partir d’un simple brouillon. L’idée lancée était de faire un brouillon rapide avec une feuille de papier et un crayon, de le scanner et de l’envoyer à notre graphiste qui fera des merveilles. C’est d’ailleurs plus ou moins la façon de procéder de cabinets de conseil prestigieux.

    Je me suis vite aperçu de toutes les lenteurs et limites de l’approche papier-crayon. D’abord, j’écris lentement et mal, surtout depuis que j’utilise quotidiennement le clavier. Ensuite, la gomme ne permet pas d’effacer proprement et de reprendre plusieurs fois sans laisser des traces. C’est la croix et la bannière pour mettre des textes en couleurs : il faut autant de crayons que de couleurs souhaitées. J’ai même testé le copier coller manuel, avec de bons vieux ciseaux et un tube d’ Uhu Stick.

    Bilan des courses : énorme perte de temps. Etant efficace sous PowerPoint, je vais reprendre ce logiciel pour faire mon brouillon, que j’enverrai au graphiste.

    J’en tire la conclusion que, dans mon cas, l’approche papier-crayon n’est plus adaptée. Elle peut convenir à d’autres qui sont moins à l’aise avec PowerPoint. Elle garde quand même l’avantage de faire sortir la tête de l’écran.

    A moins que je n’investisse dans une tablette graphique ? Il est peut-être là, le meilleur des deux mondes !