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Faut-il tout mélanger dans la vie ?

 

Boule à facettes
Creative Commons CC BY-NC-ND 2.0 par Just Marti

La question peut paraître étrange. Une tête bien faite n’est-elle pas capable de différencier les choses, de bien les ranger, pour extraire du sens de la complexité de la vie ?

 

L’apologie du mélange des genres, on la trouve dans la bouche d’Armand, (anti) héros du dernier film de Bruno Podalydès, Adieu Berthe : l’enterrement de Mémé : un homme perdu entre deux femmes, renouant avec son passé à l’occasion du décès d’une grand-mère si longtemps ignorée.

Pour tenter de répondre à la question paradoxale que nous nous posons, commençons au préalable par relâcher la bride. Méfions-nous des “il faut” et autres “on doit”. Préférons-leur un plus avenant “et si ?”

Oui, et si on assumait de tout mélanger, dans la vie : vie personnelle et vie professionnelle, vie professionnelle et vie amoureuse, vie amoureuse et intérêts financiers, intérêts financiers et éthique ? Que se passerait-il ?

Le mérite de cette question, c’est qu’elle ouvre un espace de liberté. Elle libère de l’obligation de la compartimentation.

Oui, on peut s’épanouir personnellement dans son travail ; on peut être partenaires dans la vie et au travail ; on peut investir ensemble quand on est en couple ; on peut vouloir être riche sans être prêt à tout pour cela.

Mais si l’on mélange toutes les couleurs sur un tableau, il en résulte un immonde kaki, un noirâtre sordide. Au contraire, poser des taches de couleurs sur la toile, en les laissant se côtoyer, se frôler, s’interpénétrer respectueusement, peut donner naissance à la plus jolie composition. Surtout avec du recul.

Tout mélanger, dans la vie, ne donnera sans doute pas un bon résultat. Mais regarder la vie comme la boule à facettes scintillantes de la fête peut donner de la joie et de l’éclat à l’existence.

Surrogates (clones) ou la vie rêvée du corps

Affiche du film "Clones" (Surrogates)
Affiche du film “Clones” (Surrogates)

Le 28 octobre 2009 est sorti sur les écrans français Surrogates (dont le titre a été maladroitement adapté en français par Clones), film tiré de la série de comic books éponyme. L’action se passe en 2017 (2054 dans les livres). Dans ce futur pas si lointain, les individus restent chez eux jour et nuit ; ils travaillent, s’amusent, passent du temps avec les autres par l’intermédiaire de robots humanoïdes qu’ils pilotent par la pensée. Un vaste marché s’est organisé autour de cette technologie, dominé par une seule entreprise. L’intrigue se concentre sur l’enquête menée par un détective, Harvey Greer, au sujet de la destruction en pleine ville de plusieurs « clones » à l’aide d’une arme spéciale. De manière incompréhensible, cette destruction s’est accompagnée de la mort simultanée de leur « opérateur» (leur propriétaire). Le fabricant des clones essaie d’étouffer l’affaire, l’un de ses arguments commerciaux étant de permettre aux acheteurs de ses machines de vivre une vie extraordinaire « dans le confort et la sécurité de leur domicile », c’est-à-dire sans aucun risque.

Dans cette civilisation, les corps humains sont singulièrement absents : ce sont des machines qui se déplacent, se parlent, se touchent, font l’amour ensemble, téléguidées par leurs propriétaires à qui ils transmettent toutes leurs sensations. Pourtant, paradoxalement, il n’est question que du corps, qui brillant par son absence, en devient obsédant. Singulière vision du corps que celle que nous propose le film…Mais c’est bien celle qui se prépare dans les bureaux d’études et qui est en train d’être théorisée par tout un courant de pensée.

Le corps, source de tous les risques

En 2017, si les clones ont rencontré un tel engouement de la part des consommateurs, c’est en particulier parce qu’ils permettent de vivre « en toute sécurité ». A notre époque à nous, nous prenons des risques sitôt que nous mettons le nez dehors. Et si la solution était de ne plus sortir de chez soi ? Cela ne suffit pas car dès lors que l’on se lève, on est à la merci des faux pas de l’existence, le premier écueil étant de se lever du pied gauche ! Grâce aux clones, il n’est même plus besoin de se lever. Il suffit de rester allongé, des lunettes spéciales posées sur ses yeux fermés, pour voir tout ce que son clone voit, entendre et sentir tout ce qu’il entend et sent, et pour le contrôler. Dans cette conception, le corps est le maillon faible de la personne humaine, celui par lequel elle est vulnérable, la porte ouverte à tous les accidents, par laquelle la mort peut s’engouffrer à tout instant.

Le corps, objet de toutes les précautions

Parmi tous les avatars que peut prendre la personne (car rien n’empêche d’avoir plusieurs clones, comme on a plusieurs paires de chaussures), le corps est le plus vulnérable et en même temps le plus précieux. Il est le réceptacle de toutes les sensations transmises par les clones. Hors du corps, point de plaisir, même si les protagonistes du film vivent en permanence hors d’eux mêmes dans des machines. Le corps est donc un fardeau indispensable, dont on se passerait bien, mais que l’on entretien quand même a minima. C’est ce qu’illustre la scène dans laquelle Greer, allongé dans son fauteuil, pilote son clone pour lui apporter un verre d’eau.

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